Le canot de voile traditionnelle de Guadeloupe, communément appelé « saintoise » (ou Sentwaz en créole), est une embarcation emblématique du patrimoine maritime antillais. Née aux îles des Saintes au XVIIIe siècle, cette barque de pêche non pontée, manœuvrable à la rame ou à la voile, s'est imposée dans l'ensemble des Petites Antilles grâce à sa fiabilité et sa manœuvrabilité .
La saintoise est l'œuvre des charpentiers de marine bretons installés aux Saintes vers 1648. Ces artisans ont adapté le canot creux breton aux conditions de navigation des Antilles, donnant naissance à une embarcation parfaitement étudiée pour tenir la mer des Antilles .
Sa forme creuse et fuselée, associée à un foc et une grand-voile, lui permet de naviguer efficacement au près.
Dans les années 1960, avec l'arrivée du moteur hors-bord, le charpentier de marine saintois Alain Foy adapta le bateau à cette nouvelle technologie, créant ainsi la saintoise à moteur, qui fit l'unanimité parmi les pêcheurs des îles des Petites Antilles .
Selon les normes établies par la Classe des Canots Saintois de Voile Traditionnelle de Guadeloupe, les dimensions maximales d'une saintoise sont :
- Longueur : 5,85 mètres
- Largeur : 1,80 mètre
L'embarcation peut-être lestée par des roches ou des sacs de sable, et manœuvrée par un équipage de 5 à 7 personnes, qui maintiennent l'allure au trapèze pour assurer la stabilité du bateau .
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Le tangon est une perche (en bois ) utilisée pour écarter le foc du mât lorsque le canot navigue en vent arrière, c’est-à-dire quand le vent vient directement de l’arrière du bateau.
Dans cette configuration, appelée aussi "en ciseaux" ou "en papillon", le tangon permet de maintenir le foc gonflé de l’autre côté de la grand-voile, créant ainsi une plus grande surface exposée au vent et améliorant la propulsion.
Sur une saintoise, le tangon est souvent manipulé par le Chat (Focquier) ou un autre équipier avant, au moment opportun, et peut être fixé temporairement ou tenu à la main selon la situation. C’est un outil simple mais très efficace, essentiel pour tirer le meilleur parti du foc lorsque le vent est plein arrière.
Le foc est une voile triangulaire située à l’avant d’un voilier, fixée entre le sommet du mât (ou un point d’attache en haut) et l’étrave, c’est-à-dire la pointe avant du bateau.
Dans une saintoise, il joue un rôle crucial dans l'équilibre et la propulsion du canot : en captant le vent à l’avant, il permet de mieux orienter le bateau dans le lit du vent, notamment au près (navigation face au vent). Le foc travaille en complément de la grand-voile pour optimiser la vitesse et la manœuvrabilité. Il est contrôlé par des écoutes (cordages) qui permettent de le border ou de le relâcher selon l’allure du vent et les besoins du barreur.
Celui qui est responsable du réglage du foc est le focquier (appelé aussi le chat).
La grande voile (GV) est la principale voile d’un voilier, située à l’arrière du mât et fixée en bas à une bôme (appelé Gui en voile traditionnelle).
Sur une saintoise, c’est une grande voile triangulaire qui capte la majeure partie de la puissance du vent, assurant ainsi la propulsion principale du canot. Elle est essentielle pour avancer, mais aussi pour manœuvrer, car sa surface et son orientation influencent fortement la direction et la vitesse du bateau. La grande voile est réglée à l’aide d’un système d’écoutes et peut être bordée ou choquée selon la force et la direction du vent par le GV. Sa maîtrise demande coordination entre les membres de l’équipage, notamment entre le barreur, GV et le focquier.
Le mât est un espar vertical (ou légèrement incliné) placé au centre ou à l’avant du canot, servant de support principal pour les voiles.
Sur une saintoise, il soutient à la fois la grande voile et le foc, assurant leur maintien en hauteur et leur bon déploiement. Généralement fabriqué en bois robuste ou en bambou, le mât est solidement fixé à la structure du bateau, car il doit résister aux tensions exercées par le vent sur les voiles. Sa hauteur et son inclinaison sont calculées pour optimiser la portance et la stabilité du canot. Il constitue l’axe central autour duquel s’organise toute la propulsion à voile du canot.
Le gui, appelé aussi bôme, est un espar horizontal fixé à la base de la grande voile, perpendiculaire au mât.
Sur une saintoise, il est souvent fabriqué en bambou pour sa légèreté et sa souplesse. Le gui sert à maintenir et tendre le bas de la grande voile, permettant de la contrôler plus précisément selon la direction du vent. Il accompagne les mouvements de la voile lors des changements d’amure (virements de bord ou empannages) et peut balayer l’espace de bord en bord : il est donc manipulé avec précaution pour éviter les chocs avec l’équipage. Sa longueur, souvent supérieure à celle du mât, contribue à la grande surface de voile qui donne à la saintoise sa puissance et sa vitesse.
Les bagues sont de petits anneaux ou liens, traditionnellement fabriqués à partir de lianes locales appelées ailes de ravèt, qui servent à fixer solidement la grande voile au mât et au gui (la bôme) sur une saintoise.
Elles permettent à la voile de coulisser le long du mât lors du hissage ou de l’affalage, tout en la maintenant bien en place pendant la navigation. Les bagues assurent donc à la fois la mobilité et la stabilité de la voile, même sous la pression du vent. Leur confection et leur pose doivent être précises, car une voile mal attachée perd en efficacité et peut mettre en danger la manœuvre du canot. Ces petits éléments discrets jouent ainsi un rôle essentiel dans la performance de la voile traditionnelle.
Le pavillon de classe est un petit drapeau officiel hissé sur les canots de voile traditionnelle saintoise en Guadeloupe.
Il atteste que le canot appartient à la Classe des Canots Saintois de Voile Traditionnelle de la Guadeloupe, l'organisme qui régit cette discipline. Ce pavillon signifie que le canot a passé avec succès le contrôle de jauge, une inspection technique obligatoire qui vérifie le respect des dimensions, matériaux, gréement et autres critères définis par la classe. Ce contrôle garantit l’équité entre les embarcations lors des régates traditionnelles. Le pavillon de classe, souvent visible sur chaque haubans, est donc un symbole d’authenticité, de conformité et d'engagement sportif, signalant que le bateau est officiellement reconnu pour participer aux courses traditionnelles de voile dans l’archipel.
Le hauban est un cordage ou câble tendu reliant le sommet du mât à la coque d'un bateau, de chaque côté, afin d’en assurer la stabilité latérale.
Sur une saintoise, les haubans sont essentiels car ils empêchent le mât de pencher ou de tomber sous la pression du vent sur les voiles. Ils sont généralement fixés à des points solides sur les bordés du canot, près du plat-bord, et parfois doublés pour plus de sécurité. Traditionnellement ils sont fabriqués en cordage robuste. Bien qu’ils soient discrets, les haubans jouent un rôle fondamental dans la solidité de l’ensemble du gréement et la sécurité de la navigation, en maintenant le mât bien droit même dans des conditions de vent soutenu.
Les écoutes sont des cordages essentiels à la manœuvre d’un voilier, servant à régler l’orientation des voiles par rapport au vent.
Sur une saintoise, il y a principalement deux écoutes : une pour la grande voile et une autre pour le foc. En tirant (border) ou en relâchant (choquer) ces cordages, l’équipage ajuste la tension et l’angle des voiles pour capter au mieux le vent, selon l’allure du bateau. Les écoutes sont manipulées en permanence pendant les courses ou les navigations actives, et leur bonne gestion est cruciale pour la vitesse et la stabilité du canot. Souvent positionné au centre du bateau, "GV" est le membre de l’équipage chargé du réglage de la Grande Voile, en coordination avec le focquier (appelé aussi le chat) responsable du foc et le barreur. Les écoutes sont donc les "commandes" principales des voiles, au cœur de la performance du canot.
La barre est l’élément de pilotage du canot, permettant de diriger l’embarcation en orientant le gouvernail, situé à l’arrière.
Sur une saintoise, la barre est généralement une barre franche, c’est-à-dire une pièce de bois fixée directement dans gouvernail en rentrant dans celui-ci. Le barreur tient la barre à la main ou à l'aide d'un morceau de boute relié au bout de celle-ci. En poussant ou en tirant latéralement, il fait pivoter le gouvernail et influe sur le cap du bateau. Ce système simple mais efficace permet une grande réactivité, essentielle pour manœuvrer dans les régates ou dans les passes serrées.
La maîtrise de la barre demande finesse et anticipation, car elle agit en coordination avec les voiles et l'équilibre du canot. C’est le centre de la décision en navigation, le lien direct entre la volonté du barreur et le mouvement du bateau.
Le gouvernail est la pièce immergée à l’arrière du canot qui permet de diriger le bateau en déviant le flux de l’eau.
Sur une saintoise, il est souvent fabriqué en bois dur et de forme plate, fixé verticalement sous la coque, juste derrière la barre. Lorsque le barreur agit sur la barre, le gouvernail pivote à droite ou à gauche, modifiant ainsi la trajectoire du canot. C’est un élément clé de la manœuvrabilité, surtout en course où les changements de cap doivent être rapides et précis. Le gouvernail travaille constamment sous l’eau pour maintenir le cap, accompagner les virements, ou corriger les effets du vent et du courant. Solide et bien équilibré, il complète le rôle des voiles dans la maîtrise du canot en toutes conditions.
La coque est la structure principale du canot, c’est elle qui flotte et porte l’ensemble du bateau, de l’équipage aux voiles.
Sur une saintoise, la coque est reconnaissable à sa forme effilée et élégante, conçue pour fendre les vagues avec agilité tout en assurant stabilité et vitesse. Fabriquée traditionnellement en bois (acajou, bois du Nord, poirier pays), elle est construite à la main selon un savoir-faire artisanal transmis de génération en génération.
Sa légèreté, sa finesse de lignes et sa robustesse en font une embarcation parfaitement adaptée à la navigation dans les eaux souvent agitées des Antilles. Elle comprend plusieurs parties comme la quille (axe central en bas), les bordés (flancs), les membrures (renforts transversaux) et le plat-bord (rebord supérieur). La coque est donc bien plus qu’une simple enveloppe : c’est le cœur flottant du canot, résultat d’un équilibre subtil entre tradition, technique et adaptation aux conditions maritimes locales.
Le Focquier, également appelé "Chat" en voile traditionnelle, est l’équipier chargé du réglage du foc, la voile triangulaire située à l’avant de la saintoise.
Son rôle est de manipuler les écoutes du foc, c’est-à-dire les cordages qui permettent de border (tendre) ou choquer (relâcher) cette voile, en fonction de l’allure du bateau et de la direction du vent. Le Chat doit agir rapidement et avec précision, notamment lors des virements de bord ou des empannages, pour que le foc passe d’un côté à l’autre sans se dégonfler ni gêner la manœuvre.
Le terme "Chat" vient de sa capacité à se déplacer avec agilité et vivacité à l’avant du bateau, souvent dans une zone instable, exposée aux vagues et au vent. Il doit être réactif, attentif aux ordres du barreur, et capable d’anticiper les ajustements pour maintenir la vitesse et la trajectoire optimale du canot. Le Chat joue ainsi un rôle clé dans la performance et l’équilibre du bateau, en tirant le meilleur parti de la voile avant.
L’équipier appelé "GV" (abréviation de Grande Voile) est responsable du réglage de la grande voile, l’élément principal de propulsion d’une saintoise.
Son rôle est crucial : il ajuste en permanence la tension et l’angle de la voile par rapport au vent, à l’aide de l’écoute de grande voile. En coordination étroite avec le barreur et le focquier, il optimise la forme de la voile pour capter le maximum de puissance tout en maintenant l’équilibre du canot. Le GV doit être réactif, précis et attentif aux moindres variations de vent, car une mauvaise manœuvre peut ralentir le bateau ou le déséquilibrer. Lors des courses, il anticipe les changements d’amure (virements, empannages) et adapte la voile en temps réel. C’est donc un rôle technique et stratégique, au cœur de la performance du canot.
Le barreur est le pilote du canot, celui qui tient la barre pour orienter le gouvernail et ainsi diriger la saintoise.
Son rôle est central : il choisit le cap à suivre, anticipe les manœuvres et prend les décisions stratégiques en fonction du vent, du courant, des autres canots et du plan d’eau. Le barreur travaille en étroite coordination avec les autres membres de l’équipage, notamment le GV (régleur de grande voile) et le Numéro 1, pour maintenir la vitesse, l’équilibre et l’efficacité du bateau. Pendant une régate, c’est lui qui commande les virements de bord, les empannages et les changements de cap, tout en maintenant la concentration et la cohésion de l’équipage. Expérimenté, lucide et réactif, le barreur incarne le cerveau tactique du canot, à la fois meneur, navigateur et garant de la sécurité.
Dans une saintoise de voile traditionnelle, les équipiers appelés "Numéro 1", "Numéro 2", "Numéro 3", etc., sont des membres clés du bord chargés principalement de l’équilibre du canot, mais leur rôle va bien au-delà de la simple position physique.
⚖️ Ces équipiers assurent le balancier humain du bateau en se positionnant à l’extérieur de la coque, souvent suspendus aux haubans ou accroché par les pieds, pour contrebalancer la force du vent dans les voiles. Plus il y a de vent, plus leur poids extérieur est crucial pour empêcher le bateau de gîter (pencher) ou de chavirer. Ils bougent en permanence, passant d’un bord à l’autre à chaque virement ou empannage, dans une chorégraphie précise, rapide et bien coordonnée.
🧠 Outre leur rôle physique, les Numéros sont aussi les yeux avancés du canot. Ils observent en permanence, la direction et les risées du vent sur l’eau, les vagues et les courants, la position des autres bateaux. Ils signalent ces éléments au barreur et au GV pour adapter la stratégie. Leur capacité à lire le plan d’eau et à anticiper les évolutions du vent ou des adversaires est un atout majeur en course.
🏋️ Ce sont les équipiers les plus exposés et les plus sollicités physiquement : ils doivent être rapides, agiles, endurants, et parfaitement synchronisés entre eux. Leur position est aussi stratégique selon leur numéro :
- Le Numéro 1 est souvent le plus expérimenté des trapézistes, en tête pour initier les mouvements.
- Les Numéros suivants suivent la cadence et adaptent leur position pour maintenir un équilibre optimal.
Les Numéros sont les équilibristes, observateurs et stratèges de l’avant du canot. Sans eux, la saintoise ne pourrait ni accélérer ni tenir son cap dans des conditions de navigation exigeantes.
La fabrication d'une saintoise est un processus artisanal qui nécessite environ deux mois de travail. Les charpentiers utilisent des bois locaux tels que :
- Bois du nord pour la quille
- Acajou pour les bordées et le plancher
- Poirier pays pour les membrures et la proue
Les voiles, composées d'un foc et d'une grande voile triangulaire, sont reliées au mât et à la bôme (souvent en bambou) par des lianes appelées « ailes de ravèt » . La bôme est généralement plus longue que le mât, conférant à la saintoise une voilure imposante.
La saintoise, par sa conception et son histoire, incarne l'ingéniosité et la résilience des communautés maritimes guadeloupéennes. Aujourd'hui, elle continue de naviguer fièrement, témoignant d'un riche héritage culturel et d'une passion toujours vivace pour la mer.
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